Prendre soin au jardin

Plutôt que l'absence de maladie, la santé est définie comme un état physique, mental, social et environnemental de bien-être. Pour préserver ou restaurer cet état, fréquenter la nature est une des pistes les plus probantes, dont découle une pratique encore méconnue en France : l'hortithérapie.                                                                                                                                     Article écrit pour le magazine Plume d'Orfée, automne 2019

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Effets positifs des écrits dans le jardin thérapeutique en gérontologie

Résumé de communication au 3eme symposium international des jardins à visée thérapeutique, 2012

                                                                                                                                                 Estelle Alquier

 

L'expérience est menée dès la conception d'un jardin thérapeutique, à Biarritz, autour d'une unité de soins Alzheimer, auquel ont accès également tous les résidents de l'EHPAD. Il comporte une allée du toucher et des senteurs, une mini-dune reconstituée, un sentier des couleurs des quatre saisons, une fontaine, une table de culture adaptée, des potagers surélevées, un jardin du goût, un poulailler, un jardin zen, un parcours de motricité et des sculptures en métal naturalistes. Les objectifs de cette démarche sont de donner à lire, à se cultiver, permettre de nommer des essences familières, solliciter la mémoire, susciter des émotions positives ; favoriser la communication, apporter un support de connaissances aux personnes fréquentant le jardin.

 

 

 

I Diversité des écrits

 

Près de 150 écriteaux jalonnent la promenade, ils sont de plusieurs types :

  • des noms communs et d'usage des principales plantes-mémoire (dont des variétés anciennes et locales), certains écriteaux étant également prétexte à évoquer l'histoire collective et l'histoire locale, l'histoire personnelle éventuellement.

  • des citations et poésies d'auteurs, suggestives et apaisantes, évoquant pour la plupart la condition de personne âgée en maison de retraite (« Si vous avez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut », Cicéron ; « Je regarde une rose et je suis apaisée », V. Hugo).

  • des dictons en basque, traduits en français, le basque étant la langue maternelle de nombreux résidents

  • des extraits de chansons populaires encourageant à fredonner, à se rappeler des paroles

  • des dictons et proverbes populaires évoquant temps et saisons ainsi qu'un tableau du langage des fleurs présentes dans un coin du jardin, thèmes ayant été à la mode dans leur enfance

Les textes les plus longs sont placés près d'un banc ou d'un lieu de repos.

Tous les écrits ont un rapport avec le jardin et plus largement avec la nature.

 

II Le choix des écrits

 

Un long travail préalable a été nécessaire, notamment en ce qui concerne les écrits « locaux » :

  • Connaître l'histoire et l'origine des résidents, en discutant avec eux ou avec leur entourage

  • Approfondir l'histoire locale et collective. Ainsi, un hortensia évoque une figure emblématique de Biarritz (« Impératrice Eugénie »), une date sur l'écriteau d'un rosier rappelle un événement ancré dans la mémoire collective (obtention du rosier populaire « Maria Lisa » en 1936).

  • Rechercher des variétés anciennes et locales de légumes (piment Aturri, tomate Zapala), afin que le nom, au même titre que la plante elle-même, puisse rappeler des souvenirs.

  • Trouver des proverbes en basque contemporain de leur époque.

Les plantations ont été réalisé en présence et parfois avec les résidents, ce qui a permis d'accéder à des noms d'usage employés localement de certaines plantes-mémoires. Je me suis également inspirée d'un dicton énoncé par une résidente un jour de pluie («S'il pleutà la St Médard, il pleuvra jusqu'à 40 joursplus tard, à moins que Barnabé ne lui coupe l'herbe sous le pied»).

 

Les écrits sont inscrits sur des ardoises, fixées sur des tiges en métal plantés dans le sol ou fixés sur les structures du jardin, notamment sur la clôture. Avec un budget plus important on peut opter pour des supports plus durables, réalisés directement en imprimerie spécialisée. Ils gagneront en durée de vie, mais perdront leur aspect « jardin de particulier ». Enfin, la grandeur des caractères doit être suffisante pour permettre à tous d'accéder au contenu.

 

III Bénéfices observés pour les personnes fréquentant le jardin

 

L'acte de lire

La présence d'écrits dans le jardin suscitent chez la plupart des résidents une intention de lecture, et sollicite ainsi les processus mentaux interactifs liés à cet acte : prélever une information (décodage des mots par l'oeil), la traiter (identifier des mots et les mettre en relation avec des éléments non verbaux, comme les plantes, les souvenirs, l'imaginaire, les émotions), la stocker et l'intégrer (mémoires à court terme puis à long terme sollicitées), l'apprécier (en réagissant affectivement et intellectuellement). Il s'agit donc d'un véritable stimulus cognitif. Il est à noter que la capacité de lire et de comprendre ce qu'ils lisent reste longtemps active chez de nombreux malades Alzheimer, et même s'ils oublient vite, la bonne humeur liée à la lecture persiste un moment.

 

Une présence rassurante. L'observation a permis de constater que leur présence rassure les résidents qui doutent de leur connaissances antérieures. C'est le cas d'une résidente venue me remercier car les noms des plantes lui permettaient de ramasser des plantes à tisanes sans risque d'erreur.

 

Les écrits suggestifs et positifs évoquant leur condition de personnes âgées n'ont pas quant à eux suscité clairement de réactions, à quelques exceptions près. Ils ont pu cependant provoqué une expérience intellectuelle et psychique intérieure sans qu'il ait été possible de l'évaluer.

Des réactions émotionnelles ont été observé, comme cette dame qui ne sortait jamais dans le parc et a éclaté d'un rire franc à la lecture d'un proverbe basque. Depuis, elle se rend régulièrement dans le jardin (« Si tu veux être heureux, lève-toi avec les oiseaux et couche-toi avec les poules »).

 

Les écrits encouragent également l'effort de mémoire, comme en témoignent les réactions de plusieurs personnes face aux dictons populaires ou aux noms de plantes. L'acte de lire dans le jardin s'avère être un acte volontaire, à l'origine d'une expérience personnelle. Un résident en fauteuil a demandé à son accompagnatrice de faire un détour pour lire un texte qu'il n'avait pas encore lu lors de ses précédentes visites; cette lecture, résultant d'un choix, fut sans doute programmée. Une autre personne a senti une feuille en s'interdisant de regarder le nom de la plante, pour ensuite le vérifier. De même, des personnes essaient de se rappeler d'une fois sur l'autre du nom d'une plante qu'ils ont particulièrement apprécié. Ils se placent ainsi volontairement en position d'apprenants, sollicitant naturellement leur mémoire.

 

Les écrits, supports à la communication

Ces expériences émotionnelles et cognitives observées, personnelles dans un premier temps, ont parfois ensuite été sociales. Les textes et les noms des plantes constituent régulièrement le point de départ d'une discussion, l'amorce d'une entrée en communication. C'est le cas d'un résident du Kantou qui, revenant du jardin zen vers le groupe qui semait des carottes, a déclaré : « Savez-vous que si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut ? ». Les écrits permettent également aux accompagnants de mieux maitriser le jardin pour mieux le partager et le faire visiter.

 

 

 

La présence des écrits dans le jardin thérapeutique accentue sa vocation de stimulation sensorielle et cognitive, ainsi que sa fonction de sociabilisation. Source de connaissances, ils remplissent également un rôle sécurisant, rassurant, valorisant. Le jardin est un lieu de nature et de culture, et les mots, avec toutes les émotions et savoirs qu'ils peuvent susciter, y ont leur place au même titre que les œuvres d'art.

 

« Je passe des après-midis délicieuses dans mon jardin, regardant tout vivre autour de moi. En vieillissant, je sens que tout s'en va, et j'aime tout plus passionnément. » Emile Zola.

Une étagère de ma bibliothèque...

 

HORTITHERAPIE, ECOTHERAPIES, JARDINS SOLIDAIRES

 

Jardins thérapeutiques et hortithérapie

Jérôme Pellissier. Dunod, 2017

 

Créer un jardin de soins

Paule Lebay, Terre vivante, 2022

 

Shirin Yoku, l'art et la science du bain de forêt

Dr Qing Li, First Editions, 2018

 

Cerveau et nature

Michel Le Van Quyen, Flammarion, 2022

 

Comment la nature soigne notre cerveau

Dr Eva Selhub et Alan Logan, Marabout, 2012

 

Quand jardiner soigne : initiation pratique aux jardins thérapeutiques

Denis Richard. Delachaux et Niestlé, changer d'ère, 2011.

 

Pourquoi la nature nous fait du bien

N. Guéguen et S. Meineri. Dunod, les expériences de psycho, 2012.

 

Du potager de survie au jardin solidaire, approche sociologique et historique

Philippe Delwiche. Editions Nature et progrès, 2006.

 

Jardins partagés, utopie, écologie, conseils pratiques

L. Baudelet, F. Basset, A.Le Roy. Terre vivante, 2008

 

L'équilibre du jardinier, renouer avec la nature dans le monde moderne

Sue Stuart-Smith, Albin Michel, 2021

 

HISTOIRE

 

Aux origines des plantes, des plantes et des hommes

Sous la direction de F. Hallé et P. Lieutaghi. Fayard, 2008

 

La France au jardin, histoire et renouveau des jardins potagers

Claude-Marie Vadrot. Delachaux et Niestlé, changer d'ère, 2009

 

Plantes interdites, une histoire des plantes politiquement incorrectes

Jean-Michel Groult, Ulmer, 2012

 

Des plantes et des hommes

J-C Roland. Vuibert, 2002

 

Histoire du jardin potager

Florent Quellier. Armand Colin, 2012

 

Jardins antiques

sous la direction de Karl Reber, 2010

 

 

JARDINAGE, BOTANIQUE, JARDINS

 

En matière de jardinage, Terre vivante édite des ouvrages excellents, généralistes ou spécialisés. Loin des livres de jardin bio qui inondent le marché.

 

Petit traité du jardin punk

Eric Lenoir, Terre vivante, 2018

 

Introduction à la permaculture

Bill Mollison, Passerelle Eco, 2012

 

L'agriculture naturelle

Masanobu Fukuoka, Guy trédaniel, 2015

 

Le jardin naturel

Jean-Marie Lespinasse, le Rouergue, 2006.

 

La biodiversité amie du verger

Evelyne Leterm, le Rouergue, 2014

 

Le guide du jardin bio

B. Lapouge-Déjean, J-P Thorez. Terre vivante, 2009

Le meilleur guide de jardinage bio, autant pour les débutants que pour les jardiniers "confirmés"

 

Aux origines des plantes, des origines des plantes à la botanique du XXIeme siècle

Sous la direction de F. Hallé et P. Lieutaghi. Fayard, 2008

 

Semez pour résister !

Josie Jeffery, Plume de carotte, 2011

 

Purin d'ortie et compagnie

B. Bertrand, J-P Collaert, E. Petiot. Editions du Terran, 2003

 

La grammaire des jardins, secret de métier

René Péchère. Racine, 2002

 

Mon jardin paradis

Gilles Leblais. Terre vivante, 2011

 

De la taille à la conduite des arbres fruitiers

Jean-Marie Lespinasse et Evelyne Leterm, Rourgue, 2005

 

L'origine du monde

Marc-André Selosse, Acte Sud, 2021

 

 

LES ENFANTS ET LA NATURE

 

L'imaginaire au jardin

Aline Hébert-Matray, plume de carottes, 2011

 

Mon jardin d'artiste

Véronique Barrau et Nathalie Dento, Plume de carottes, 2008

 

Les nouveaux espaces de jeux naturels

Richard Wagner, terre vivante, 2003

 

Libres enfants de Summerhill

A.S. Neill, éditions François Maspero, 1974

 

L'enfant

Maria Montessori

 

Les enfants des bois

Sarah Wauquiez, 2008

 

Besoin de nature

Louis Espinassous, Hesse, 2010

 

 

PHYTOTHERAPIE

 

Un seul ouvrage, le meilleur en français !

 

Grand manuel de phytothérapie

Dr Eric Lorrain

 

 

L'hortithérapie ou imaginer le jardin qui soigne

 

Matthieu Piffeteau

 


 

Étudiant venant de la région parisienne, 22 ans, après avoir passé un BTSA Aménagements Paysager, il s'est basé à Epinal pour suivre une licence professionnelle complétant le BTSA dans l'option Gestion et Développement Durable. Plutôt scientifique et cartésien, il s'est avéré qu'il se soit ouvert l'esprit sur autre chose que la science : la nature et ses bienfaits. Son but est de pouvoir communiquer ses trouvailles, de les partager et de les discuter.

 

Tout d’abord, qu’est ce que l’hortithérapie ? La thérapie par les plantes médicinales ? Pas du tout ! L’hortithérapie est une thérapie qui s’intéresse à l’action du jardinage sur le corps, l’intellectuel, le psychisme et le mental.

 

Les précurseurs de cette thérapie sont les Canadiens et les Américains. Elle s’est ensuite répandue au Royaume-Uni et au Japon et tend à se développer en Europe. En France, elle est encore trop méconnue. Des associations se sont créées, Anne Ribes est une précurseuse dans ce domaine et a à son actif quatre centres dédiés à l’hortithérapie sur la capitale. Malheureusement, rien n’est centralisé en France et chacun fait des essais aux quatre coins de l’hexagone sans tenir compte des autres expériences faites dans les autres associations. Cela explique aussi pourquoi la définition de l’hortithérapie est en elle-même vague et donc difficile à cerner.

 

Pour la CHTA (canadian horticultural therapy association) et la AHTA (version américaine), la définition de l’hortithérapie n’est que très récente, celle-ci date de 2008 : « L’utilisation des plantes, par un professionnel formé, comme moyen pour atteindre des objectifs cliniques préétablis. » C’est une définition très médicale et qui nécessite forcément un hortithérapeute. Dans ces pays, des formations d’hortithérapies sont possibles alors qu’en France seuls des stages sont accessibles et donnés par des Centres Hospitaliers comme le CHU de Nancy géré par le Dr. Jonveaux.

 

Après réflexion, une autre définition s’est imposée: « L’hortithérapie est un moyen de venir en aide à une clientèle en difficulté physique, psychique, intellectuelle et/ou mentale en utilisant le jardin thérapeutique comme support de travail par le biais d’activités encadrées par des professionnels formés. » Cette définition associe davantage les domaines « médecine » et « paysage » car la conception d’un aménagement paysagé, par un jardin thérapeutique est énoncé explicitement.

 

Il faut savoir aussi que l’hortithérapie n’est pas seulement utile que pour des personnes ayant des troubles divers. Elle peut s’appliquer pour des personnes bien portantes comme pour des personnes malades, pour des enfants comme pour des personnes âgées ainsi qu’aux personnes encadrantes. Il est donc nécessaire, en fonction du contexte, d’avoir un espace qui a été réfléchi et adapté pour un ou plusieurs type(s) de population. On ne va pas aménager un jardin pour des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer de la même façon que pour des enfants. En addition à cela, la mixité de tous ces genres est une richesse inépuisable et rend l’hortithérapie très intéressante. Nous le savons, toutes les relations intergénérationnelles sont très bénéfiques.

 

La plus grande qualité de l’hortithérapie est la flexibilité, l’adaptabilité de cette pratique car nous n'aurons pas les mêmes objectifs à une personne atteinte de la maladie de Parkinson qu’avec un enfant ayant des troubles psychotiques. Nous avons, là, la réponse au pourquoi faut-il des personnes formées ? Elles doivent, en effet, bien connaitre la maladie de leurs patients pour en connaitre les contraintes, les évolutions possibles et les attitudes à adopter face à certaines réactions.

 

Depuis des milliers d’années, nous avons bénéficié du lien qui maintenait la nature et la médecine ensemble. Le jardinage peut être un outil pour la médecine, les bienfaits ont été reconnus scientifiquement (exemples : augmentation de la production de vitamine D3 (D) par l’exposition au soleil, certaines bactéries du sol peuvent améliorer notre santé…).

 

Au temps de l’Egypte Ancienne, les mutilés de guerres et autres blessés avaient pour ordre de passer du temps dans les jardins lors de leur convalescence. Nous avons perdu cette liaison avec la nature, mais l’hortithérapie nous donne l’occasion de la retrouver.

 

Cette nouvelle thérapie utilise le jardin thérapeutique comme un outil. Pour qu’un jardin soit un bon outil, il doit être adapté à sa population.

 

 

Le jardin est mémoire

 

Par exemple, le CHU de Nancy, créé à l’initiative du Dr Jonveaux et un médecin paysagiste sculpteur allemand R. Fescharek en 2008, spécialisés dans la maladie d’Alzheimer, a dans son jardin tout ce qui est sujet à la mémoire. Il est conçu en quatre carrés  thématiques selon les éléments invariables l’eau, le feu, la terre et le vent. Autour de ces quatre éléments, sont joints des plantes – qui changeront au fil des saisons – et des sculptures pour accentuer ces thèmes et stimuler les sens. Des repères spatiotemporels sont également introduits tels une horloge, une station météo ou encore des espèces végétales tampon permettant de se l’approprier. Par exemple, le muguet qui rappelle le mois de mai avec des souvenirs qui y sont liés ou encore un sapin pour Noël. On peut aussi utiliser des céréales pour des anciens agriculteurs ou des pâquerettes…  En utilisant les 5 sens et en rendant les patients acteurs, ces derniers vont s’investir et vont stimuler leur mémoire avec plaisir et de façon inconsciente.

 

 

Par l’aménagement et la gestion d’un jardin, nous pouvons stimuler tous les sens.

 

L’ouïe par le bruissement du vent dans des végétaux choisis, par l’eau qui ruisselle, par les oiseaux et autres êtres vivants…

 

L’odorat par le parfum des plantes, par l’herbe fraîchement coupée, par l’odeur du bois utilisé en paillage, l’odeur de la terre humide…

 

La vue par les couleurs, la forme géométrique des sculptures, la verticalité des végétaux ou au contraire des parterres couvrant une certaine superficie...

 

Le toucher par la texture des végétaux, le cheminement qui peut être parfois du sable, des galets, des copeaux de bois ou des lattes de bois, la texture des sculptures, bois, roches...

 

Le goût par l’introduction de plantes comestibles (attention de ne pas les mettre avec certaines qui sont toxiques) que l’on récolte et avec lesquelles d’autres activités sensorielles sont par la suite rendues possibles. Un partage des fruits de l’année lors d’une rencontre intergénérationnelle dans des maisons de retraite est tout à fait possible et tout de suite bien plus accueillant.

 

 

Pour des hôpitaux, comme le centre François Baclesse situé à Caen, le jardin thérapeutique (qui donne naissance à l’hortithérapie) peut être aussi un moyen de rendre l’hospitalité à l’hôpital. En donnant un lieu de rencontres, de guérison à l’extérieur de l’établissement, cela favorise cet effet. Ce jardin correspond à une demande des patients et de l’équipe soignante car, en effet, il n’y a pas que les patients qui en récupèrent les bienfaits. Le jardin de Caen, encore en construction, regroupe sept ambiances différentes : une forestière, une de zénitude, une aquatique, une pour les jeux d’enfant, une de détente, une pour un bain de soleil et une autre plus ombragée avec une pergola. En fonction des humeurs, de la saison et du temps chacun sera libre d’aller là où il se sent le mieux pour être seul ou accompagné.

 

Dans une chambre d’hôpital, les murs de votre chambre ne vont pas changer pendant l’année et l’équipe médicale a beau être la plus accueillante du monde, elle ne changera pas non plus tout le temps (heureusement).

 

Dans un jardin en revanche, les saisons vont changer ses aspects et il ne sera jamais à l’identique. Il y a de l’attente quand vient l’automne, on voit les feuilles tombées puis vient la neige et là, on espère qu’elle fondra au plus vite pour revoir ce joli vert, jeune et puissant des nouvelles pousses de l’année. Quand on travaille avec le végétal, nous sommes aussi plus humbles face à la frustration car nous travaillons avec du vivant. Malgré notre envie de tout gouverner, de maîtriser la nature, nous savons qu’elle a aussi son « libre arbitre » et beaucoup de choses peuvent échapper à notre contrôle. On cherchera à savoir ce qui n’a pas marché pour cette plante et nos idées pour l’aider grandiront avec elle.

 

En déambulant dans cet espace et en participant aux différentes activités de jardinage proposées, la personne soignée oublie son statut de patient pendant un instant. Son activité ne se cantonne plus à marcher de long en large dans un couloir blanc et stérile. Son corps bouge, se met en action lui permettant ainsi de se sentir "vivre", d'être elle même et non une personne à soigner. C'est pratiquer un effort physique tout en accomplissant une expérience gratifiante.

 

 

Du vert pour aller mieux

 

L’hortithérapie sème sa petite graine et tend à se développer. Mais on ne peut être l’initiateur d’un projet dont on ne connait pas ou peu les bénéfices. Je vous invite donc à en apprendre davantage par le biais d’ouvrages, de témoignages qui y sont consacrés. Il n’y a que par la communication que nous toucherons le plus de monde. Si comme moi vous êtes plus qu’intéressé, parlez en, vivez la et vous en sortirez plus enrichi et meilleur.

 

Cela peut paraître trop utopique pour des personnes cartésiennes mais de plus en plus d’individus deviennent « adeptes » de cette thérapie, qu’ils soient médecins ou simple jardiniers. Venant d’un bac scientifique et très cartésien au départ, ma vision a beaucoup évolué. Dans certains cas, elle a fait régresser la maladie d’Alzheimer de 5 ans ; c’est une preuve que ça peut marcher.

 

 

Des études d’éco-psychologie ont été menées aussi, l’expérience était d’avoir des chambres d’hôpital avec des posters différents, certains étaient des paysages et d’autres des tableaux d’art abstrait. Dans la majorité des cas où il y avait un poster de paysage, on constatait une baisse des prises de médicaments et un mieux être chez la personne. Nous pouvons réitérer cette expérience avec une personne dont le bureau donne une vue sur un aménagement paysager et une autre avec un bureau donnant sur un parking dénudé de tout végétal ; on obtiendrait le même résultat.

 

Tout cela peut aussi s’appliquer dans les milieux carcéraux pour réduire la violence. Nous sommes le pays qui consommons le plus d’antidépresseurs au monde alors que nous ne sommes pas les derniers à devoir être plaints à en juger nos conditions de vie. Une étude du magazine Sciences et avenir démontre que l'abus de tranquillisants et de somnifères sur plusieurs années augmenterait le risque de maladie d'Alzheimer.

 

Alors oui, l’idée est sans doute utopique pour les cartésiens, mais des effets sont notoires et beaucoup de personnes ont foi en cette thérapie. Après avoir parlé avec beaucoup d’acteurs de cette « nouvelle » thérapie, cela m’a donné l’espoir et la conviction que cela peut permettre un meilleur être, d’améliorer la vie en établissement de soins ou non, dans notre société.

 

« Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier »

William Shakespeare


Matthieu Piffeteau, http://www.minorites.org/